Titus Andronicus est sans doute l’une des pièces les plus violentes de Shakespeare. Le sang y coule à flots, aux yeux des spectateurs surpris d’un tel excès et d’une telle folie meurtrière emportant les personnages. Pièce dérangeante à bien des égards, cette tragédie s’inscrit dans la mouvance d’un théâtre de la cruauté, le public ayant à l’époque de Shakespeare le goût de la violence sur scène. De très nombreuses formes de violences se croisent et se multiplient dans cette pièce, que ce soit le viol, la décapitation, l’amputation, l’infanticide. L’intrigue est faite des nombreuses machinations et la pièce devient une tragédie de la vengeance. En effet, Tamora, reine des Goths, devenue impératrice de Rome après avoir séduit l’empereur Saturnius, profite de ce titre pour se venger de Titus Andronicus. Les deux fils de Titus avaient en effet immolé le fils aîné de Tamora à l’issue de la guerre opposant les Romains aux Goths. Cet outrage étant impardonnable aux yeux de Tamora, celle-ci met en place un dispositif terrible afin de venger son fils. Elle demande à ses deux fils, Démétrius et Chiron, de violer Lavinia, la fille de Titus Andronicus.
En plus de violer Lavinia, les deux frères vont lui couper la langue et les mains afin qu’elle ne puisse pas communiquer le nom de ses agresseurs. La folie vengeresse ne connaît guère de frontières et les deux fils de Titus Andronicus vont être accusés à tort d’avoir tué le frère de l’Empereur. Pour ce meurtre, ils seront décapités sur ordre d’Aaron, l’amant secret de l’impératrice. Ce dernier pousse le supplice encore plus loin en faisant croire à Titus que s’il se coupe une main ses fils seront sauvés. L’horreur arrive à son comble lorsque Titus, pour se venger de tels outrages, décident de tuer les deux fils de Tamora et de les lui faire manger lors d’un banquet.
On le voit, cette pièce est une tragédie de la noirceur de l’âme humaine. Shakespeare s’inspire de sources antiques telles qu’Ovide (avec l’histoire de Philomèle, proche de celle de Lavinia) ou Sénèque (avec l’histoire de Thyeste dévorant ses enfants sans le savoir) et les combine pour mener sa pièce au comble de l’horreur. La tragédie semble devoir passer par cet excès de violence et de démesure pour arriver à la paix finale garantie par Lucius, un des fils de Titus Andronicus qui parvient à instaurer un ordre nouveau après l’instabilité politique qui ouvrait la pièce.
La folie, feinte ou réelle, des personnages dépassés par leurs meurtres est omniprésente dans une pièce où l’on passe toutefois beaucoup de temps à raisonner, à ourdir de machiavéliques projets de meurtre. Ce que nous montre Shakespeare c’est la mise en crise des valeurs héroïques parce que l’homme est monstrueux et incapable de pardon. A cette crise des valeurs répond donc une crise des capacités du langage et du logos. En effet, les discours ne servent à rien, implorer la pitié d’autrui est vain. Tout n’est que meurtre. Il semblerait qu’on ne sorte jamais de ce cercle infernal. La soif de vengeance n’est jamais assouvie.
Comédiens
Titus Andronicus : Lila Pierre
Marcus Andronicus : Lilian Moreau
Saturninus : Adèle Terris
Tamora : Sayf El agri
Lucius Andronicus : Clarisse Forestier
Aaron : Emaé Fabre Girardeau
Bassianus : Noé Coinon
Lavinia : Coline Platon
Chiron et Demetrius : Eliot Beloncle
Mise en scène assurée par le collectif.